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Les carnets de No Com numéro 6 – La transformation de la France à l’épreuve des crises

LA TRANSITION ECOLOGIQUE A L’EPREUVE DE LA CRISE 

Tribune de Pierre Giacometti pour Le Point

Après près de trois mois de confinement, les Français continuent à porter un regard exigeant sur les contours de la transformation de leur pays.  

Lancé au printemps 2017, quelques semaines après l’élection d’Emmanuel Macron, le tableau de bord No Com de la transformation de la France décrypte régulièrement les attentes des Français sur la traduction concrète des réformes engagées. Dans cette huitième vague réalisée début juin, leurs interrogations restent intactes.  

L’opinion reste en effet toujours très partagée sur les bénéfices de la transformation engagée en 2017, pour la France comme pour les Français eux-mêmes. Trois mois de crise sanitaire n’ont en effet pas fait disparaître le clivage social installé depuis plusieurs années entre cette France plutôt favorisée, qui croit dans les acquis du changement, et celle plus inquiète des effets de la mondialisation. Avec cette crise sanitaire historique vécue à l’échelle de la planète, jamais les Français, déjà plus sévères que leurs voisins avant la crise, ne s’étaient montrés aussi critiques sur la mondialisation. Ce rapport tourmenté à leur environnement extérieur continue à structurer des mouvements d’opinion souvent contradictoires entre désir d’ouverture et d’adaptation et aspiration à la protection et au repli. 

Pourtant cette enquête commence par un constat plutôt positif avec une remontée d’optimisme. Le moral des Français est légèrement à la hausse par rapport à la vague précédente conduite au lendemain des grèves contre la réforme des retraites. Cette amélioration est sans doute explicable par l’effet de soulagement provoqué par la fin du confinement. C’est notamment le cas parmi les femmes, les jeunes et les catégories sociales favorisées. Autre signe positif, malgré le climat de crise économique consécutif à la crise sanitaire : les Français continuent majoritairement à souhaiter que leur pays se transforme. Et ils sont également plus nombreux à reconnaître que la crise de la COVID-19 va transformer leur vie de manière positive. 

Dans un contexte d’une crise sanitaire toujours génératrice de peur et d’une crise économique aux conséquences sociales déjà perceptibles, le maître mot de cette transformation c’est la protection. Le mot est plébiscité par 78 % des Français. 65 % des personnes interrogées par l’IFOP attendent de la transformation qu’elle cherche d’abord à protéger les emplois traditionnels au détriment de la révolution numérique : c’est une progression de 15 points en trois ans et de 5 points depuis décembre. La tendance est également toujours orientée vers la nécessité de protéger contre les licenciements et de réduire les inégalités. Derrière cette attente de protection un acteur devient central : l’État, il est omniprésent depuis 3 mois sur les deux volets, sanitaire et économique. Jamais depuis la création de ce tableau de bord l’opinion n’avait souhaité avec autant d’intensité que son rôle soit maintenu ou renforcé. Illustration de ce réflexe, le décalage symbolique entre le soutien majoritaire au principe de la nationalisation et le rejet tout aussi dominant du principe de la privatisation. Il serait hâtif d’en conclure à une évolution idéologique des Français en faveur de la gauche. Ce réflexe « de crise » ressemble plus à une volonté pragmatique de reprise de contrôle de la France sur le cours de son modèle de développement. 

Cette aspiration s’exprime aussi par une reprise de contrôle environnemental. La crise sanitaire n’empêche pas l’aspiration croissante à la transition écologiste qui continue dans le tableau de bord No Com à tracer son chemin. L’adhésion des Français à la transition verte devient de plus en plus consensuelle. Elle ne fait plus désormais de différence entre les classes sociales. Elle connaît une impressionnante poussée parmi les jeunes générations. Mais la question à venir, illustrée par le débat sur les suites des propositions faites par la convention climat, sera de savoir si les Français, en pleine crise économique, seront prêts à mettre cette aspiration nouvelle en phase avec leurs actes, et leur éventuel vote. Dans un scénario d’une transformation alternative à celle conduite aujourd’hui, la transition écologique subit en effet la concurrence directe des urgences liées au contexte de crise. Dans le modèle de transformation post-crise sanitaire imaginé par les Français, la souveraineté industrielle, la réduction des inégalités et le contrôle plus sévère des flux migratoires devancent l’accélération de la transition écologique. Entre les urgences économiques et sociales du lendemain de la crise sanitaire et les priorités de long terme inspirées par la transition verte on devine dans ce tableau de bord No Com la délicate équation des deux dernières années du quinquennat. 

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