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SONDAGE EXCLUSIF – La politique réformatrice d’Emmanuel Macron jugée sévèrement par les Français

Une minorité de Français estime que la France s’est transformée depuis trois ans, montre une étude Ifop réalisée pour l’agence No Com en partenariat avec « Les Echos ». Une forte demande de protection s’exprime. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, souligne la « difficulté d’adapter le récit aux événements incroyables qui sont survenus ».

Stop ou encore ? Depuis des semaines, la Macronie s’interroge sur la nécessité de relancer de grandes réformes d’ici à la fin du quinquennat, alors que la crise sanitaire phagocyte encore tous les esprits. Le baromètre de la transformation de la France réalisé par l’Ifop pour l’agence No Com en partenariat avec « Les Echos » et Radio classique sera sans doute regardé avec attention par les têtes pensantes de l’exécutif.

Si la transformation reste ainsi « légitime dans son principe » aux yeux des Français, celle menée par l’exécutif depuis trois ans est jugée « illisible dans son exécution » et surtout les Français attendent désormais qu’elle soit avant tout synonyme de protection, selon cette étude réalisée en janvier avec l’Ifop auprès d’environ 2.000 personnes. En clair, le « libérer et protéger » martelé par Emmanuel Macron en 2017 a peu convaincu, et demande visiblement à être amputé de moitié aux yeux des Français. De quoi renforcer ceux au sein de l’exécutif qui pèsent pour mettre le pied sur le frein d’ici la fin du quinquennat, en laissant notamment de côté l’épineuse question des retraites.

Plongée dans le pessimisme

La crise sanitaire – qui intervient après celle des « gilets jaunes » et celle sur les retraites – a plongé un peu plus dans le pessimisme une population qui ne brille pas par sa joie de vivre depuis de nombreuses années. Les Français sont ainsi 64 % à se dire pessimistes pour l’avenir du pays, contre 59 % en juin 2020 et 48 % en mai 2017. De façon surprenante, malgré la sinistrose ambiante, « la sémantique de la transformation conserve un potentiel presque intact », relève Pierre Giacometti, cofondateur de No Com. Ainsi 55 % des Français donnent la priorité à la transformation du pays pour les années qui viennent et les mots « changements » et « transformation » évoquent quelque chose de positif pour environ 70 % d’entre eux.

Près de deux tiers des Français redoutent une crise économique majeure

Tout ceci est loin de donner un blanc-seing à l’exécutif. L’idée que la France s’est transformée depuis trois ans reste minoritaire (à 39 %). La multiplication des réformes au début du quinquennat ne trouve pas forcément grâce aux yeux des Français : ils sont 68 % à estimer que leurs conséquences ont été négatives pour eux-mêmes et le niveau monte encore chez les seniors ou les catégories défavorisées. La critique touche également plus de 40 % des électeurs d’Emmanuel Macron en 2017.

L’étude constate qu’une part croissante des Français (26 %) place la transparence et l’explication comme condition pour réussir des réformes, le signe pour No Com que la politique actuelle est jugée peu lisible. Invité à commenter cette étude, Gérald Darmanin donne sa clé d’explication: « la difficulté vient du fait qu’une réforme n’existe pas aux yeux des gens tant qu’elle ne devient pas concrète. La réforme de la taxe d’habitation, cela a mis trois ans avant qu’on nous en fasse le crédit », justifie le ministre de l’Intérieur.

Protection plébiscitée

Pour la suite, le mot de protection est plébiscité par les Français (à 76 %). Les relocalisations, un contrôle plus strict des frontières, la réduction des inégalités sociales et la lutte contre l’islamisme radical sont érigés en priorité d’un autre modèle de transformation. L’accélération de la transition énergétique émerge plus loin, selon l’étude.

Surtout les évolutions récentes montrent un pays qui s’éloigne de l’idéal de start-up nation, ouverte sur l’Europe, promise par Emmanuel Macron en 2017. Ils ne sont que 34 % à soutenir l’idée que la France s’engage dans la révolution numérique (50 % en 2017) et l’envie de « moins d’Europe » progresse (49 %, contre 44 % en juin 2017). Sur ce sujet comme beaucoup d’autres, la fracture sociologique est nette, avec des catégories modestes de plus en plus hostiles.

« La France du Oui et du Non existe depuis 30 ans, mais cela s’accélère avec les crises. Le fossé dans la façon dont les gens vivent existe fortement entre les classes populaires et ce qu’on a pu nommer un bloc élitaire », s’alarme Gérald Darmanin. Une situation qui justifie visiblement le tournant régalien et tourné vers la souveraineté, que ce disciple de Philippe Séguin pousse depuis longtemps. « Il est essentiel de ne pas voir un bloc populaire se détourner en masse », justifie-t-il.

Renaud Honoré

Article dans les Echos du 15 janvier 2021

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