
Avec un million de spectateurs pour sa première semaine en salle, L’Amour Ouf démarre fort. Gilles Lellouche signe une fresque puissante mêlant tendresse et violence, dans la France des années 80/90. Un film coup de poing sur la fragilité des sentiments dans un monde en plein chaos.
Le film en quelques mots :
L’Amour Ouf, réalisé par Gilles Lellouche, acteur et réalisateur français, notamment connu, en tant que réalisateur, pour la comédie dramatique Le Grand Bain, nous plonge dans l’univers vibrant des années 1980 en France. Il nous fait revivre l’époque des vinyles et des épaulettes, tout en réinterprétant le thème éternel de l’amour impossible à la Roméo et Juliette.
Au centre de cette fresque amoureuse, deux protagonistes : une étudiante, Jackie, plutôt studieuse, au caractère intransigeant, et un jeune homme, Clotaire, aux ambitions détruites. Ensemble, ils découvrent la passion dans un univers où la vie oscille entre douceur et brutalité.
Notre avis :
Nous nous attendions à un coup de foudre, on nous a donné des coups de feu. L’Amour Ouf frappe fort dès les premières secondes : du sang et des tirs. C’est sombre, déstabilisant. Cette scène d’ouverture crée une tension qui capte l’attention. Cette œuvre n’est pas un film romantique comme les autres.
Dans L’Amour Ouf, le spectateur est transporté dans un univers. Des plans et des jeux de couleurs somptueux, une bande son qui fait résonner des artistes emblématiques comme The Cure ou Daft Punk, qui créent une atmosphère immersive. L’idylle maladroite de jeunes gens se transforme en un amour adulte tumultueux. Gilles Lellouche capte cette fougue adolescente de ceux qui ont grandi avant les écrans : une insouciance que la technologie moderne n’a pas encore domptée. Il nous renvoie à une époque où les rencontres se jouaient sur des bancs publics plutôt qu’en scrollant. La nostalgie des années 80 affleure à chaque instant. Les balades en mob’, la mode des pin’s et les après-midi au bord du lac recréent l’illusion d’une époque simple et sincère.
Cette scène intemporelle de danse fantasmée par Clotaire est la séquence qui restera.

En quoi ce film éclaire-t-il la force du récit ?
1. La puissance du croisement des genres
L’Amour Ouf se distingue par son audace narrative, mêlant humour et violence. Cette dualité traduit la complexité des relations humaines. Elle rend chaque moment saisissant. Comme si La La Land croisait la route de Pulp Fiction. Un croisement entre la comédie dramatique et le film de gangsters, où l’amour et la violence coexistent de manière troublante, maintenant une tension permanente. Dans la somme passionnante qu’il consacre à l’étude des genres narratifs (1), le scénariste américain John Truby souligne que “la stratégie narrative qui consiste à mélanger des genres est à l’origine du succès des films et des livres à succès. L’une de ces stratégies consiste à combiner des formes d’histoires qui ne vont pas ensemble en temps normal, à l’exemple de Godfather ou Inception”. (2) Un précepte parfaitement exploité ici.
2. Le pouvoir mobilisateur de la nostalgie
Au-delà du mélange des genres, L’Amour Ouf rend un vibrant hommage aux années 80 et ravive notre mémoire collective. Ce retour vers le temps des vinyles résonne particulièrement avec notre besoin de simplicité ; dans le sillage des Jeux Olympiques de Paris qui ont uni le monde à travers des classiques comme “l’Hymne à l’Amour” d’Edith Piaf ou “Que je t’aime” de Johnny Hallyday : une preuve que ces périodes vibrantes et pleines de vitalité gardent un pouvoir fédérateur. C’est sur ce même pouvoir de la nostalgie que joue Renault en annonçant récemment le retour de son iconique 4L… en version électrique ! Musique, automobile, culture… Quand l’époque est inquiète, elle ravive un patrimoine commun qui nous rattache à une mémoire heureuse.
3. La capacité à créer du commun
L’Amour Ouf s’inscrit dans une volonté de créer du commun dans un univers fragmenté. Cette dynamique fait écho à l’emblématique publicité d’Intermarché qui nous a touchés en célébrant l’amour. Et le public en redemande : une suite de cette pub vient d’être diffusée. À sa façon, le film de Gilles Lellouche cherche lui aussi à capter des sentiments universels en rendant hommage aux petites choses de la vie, celles qui unissent. Les dilemmes de Jackie et Clotaire, leurs moments de complicité et leurs désaccords, reflètent des épreuves que tout le monde traverse et font de l’amour un symbole de résistance. C’est dans cette capacité à transcender les frontières de l’intime pour recréer un espace où chacun se reconnaît que réside la force narrative de L’Amour Ouf.
Margaux Foster